28/01/2021
LES QUESTIONS MÉMORIELLES PORTANT SUR LA COLONISATION ET LA GUERRE D’ALGÉRIE
RAPPORT
LES QUESTIONS
MÉMORIELLES PORTANT
SUR LA COLONISATION ET
LA GUERRE D’ALGÉRIE
JANVIER 2021
BENJAMIN STORA
Pour Monsieur le Président de la République, Emmanuel Macron.
1
"J’ai aimé avec passion cette terre où je suis né, j’y ai
puisé tout ce que je suis, et je n’ai jamais séparé dans
mon amitié aucun des hommes qui y vivent, de quelque
race qu’ils soient. Bien que j’aie connu et partagé les
misères qui ne lui manquent pas, elle est restée pour
moi la terre du bonheur, de l’énergie et de la création. "
Albert Camus, ! Appel pour une trêve civile en Algérie
22 janvier 1956
"Le pays se réveille aveuglé par la colère et plein de
pressentiments ; une force confuse monte en lui
doucement. Il est tout effrayé encore mais bientôt il en
aura pleinement conscience. Alors, il s'en servira et
demandera des comptes à ceux qui ont prolongé son
sommeil "
Mouloud Feraoun, Journal, 1955-1962, .
Le Président de la République m’a confié en juillet 2020 une mission pour la rédaction d’un rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation, et la guerre d’Algérie. Il écrivait, dans la lettre de mission : ! Je souhaite m’inscrire dans une volonté nouvelle de réconciliation des peuples français et algériens. Le sujet de la colonisation et de la guerre d’Algérie a trop longtemps entravé la construction entre nos deux pays d’un destin commun en Méditerranée. Celles et ceux qui détiennent entre leurs mains l’avenir de l’Algérie et de la France n’ont aucune responsabilité dans les affrontements d’hier et ne peuvent en porter le poids. Le devoir de notre génération est de faire en sorte qu’ils n’en portent pas les stigmates pour écrire à leur tour leur histoire. Ce travail de mémoire, de vérité et de réconciliation, pour nous-mêmes et pour nos liens avec l’Algérie, n’est pas achevé et sera poursuivi. Nous savons qu’il prendra du temps et qu’il faudra le mener avec courage, dans un esprit de concorde, d’apaisement et de
respect de toutes les consciences. Aussi, conscient et respectueux de vos
engagements, je souhaite pouvoir compter sur votre expérience et votre connaissance intime et approfondie de ces enjeux pour nourrir nos réflexions et éclairer nos décisions, en vous confiant une mission de réflexion ".
Cette initiative intervenait après que le Président eut critiqué le système colonial, lors d’un déplacement à Alger en février 2017. D’autres initiatives avaient suivi. Il y avait eu, en 2018, la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat français dans la mort du mathématicien Maurice Audin, disparu en 1957 à Alger. Et plus récemment, le Président français a honoré sa promesse de restituer à Alger les crânes des Algérienstués en 1849 lors de la conquête du pays, et dont les restes avaient été conservés au
Musée de l’homme, à Paris.
Ce rapport aborde plusieurs questions. D’abord, les traces, survivances, effets des mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie sur la société française. De l’installation de l’oubli à la séparation des mémoires. Puis, seront exposés, et discutés, les différents discours des chefs d’Etat français à propos de l’Algérie, du passage des indépendances à nos jours ; avec un bref inventaire des initiatives prises par les sociétés civiles, entre les deux pays. Dans une dernière partie sont traitées les questions relatives aux archives en général, celle des personnes disparues en particulier, de la connaissance et reconnaissance du fait colonial et de la guerre d’Algérie. Le rapport présente enfin différentes préconisations à mettre en œuvre pour une possible réconciliation mémorielle entre la France et l’Algérie. Au moment où la rédaction de ce rapport touchait à sa fin, des attentats meurtriers ont frappé la France, la décapitation du Professeur d’histoire Samuel Paty, et l’assassinat à Nice de trois fidèles dans une Eglise, victimes du terrorisme islamiste. Ces questions, en particulier le rapport entre le travail d’éducation et le surgissement de la violence, sont abordées à la fin de ce travail. A l’heure de la compétition victimaire et de la reconstruction de récits fantasmés, on verra que la liberté d’esprit et le travail historique sont des contre-feux nécessaires aux incendies de mémoires enflammées, surtout dans la jeunesse.
Le rapport qui suit de plus de 150 pages est disponible sur mehis74@orange.fr
Rapport Stora sur la guerre d'Algérie: l'Elysée exclut des "excuses" mais annonce des "actes symboliques"
Publié le 20/01/2021 à 14:00
Le président français Emmanuel Macron pendant une cérémonie militaire à Brest, le 19 janvier 2021 POOL/AFP / STEPHANE MAHE
Des "actes symboliques" sont prévus mais il n'y aura "ni repentance ni excuses" à la suite de la remise mercredi d'un rapport sur la colonisation et la guerre d'Algérie par l'historien Benjamin Stora à Emmanuel Macron, a indiqué l'Elysée
Le chef de l'Etat participera à trois journées de commémoration dans le cadre du 60e anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie en 1962: la journée nationale des harkis le 25 septembre, la répression d'une manifestation d'Algériens le 17 octobre 1961 et les Accords d'Evian du 19 mars 1962, a précisé la présidence.
Benjamin Stora, spécialiste reconnu de l'histoire contemporaine de l'Algérie, doit remettre à 17H à l'Elysée le rapport dont l'a chargé en juillet Emmanuel Macron pour "dresser un état des lieux juste et précis du chemin accompli en France sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie".
Le chef de l'Etat "s'exprimera en temps et en heure" sur les préconisations de ce rapport, qui sera rendu public à 17H, et de la commission qui sera chargée de les étudier, a précisé la présidence. "Il y aura des mots" et "des actes" du président dans "les prochains mois", a-t-elle assuré, en précisant que s'ouvrait "une période de consultations".
L'historien français Benjamin Stora, le 19 janvier 2021 à Paris AFP / JOEL SAGET
Il s'agit de "regarder l'histoire en face" d'une "façon sereine et apaisée" afin de "construire une mémoire de l'intégration", résume l'Elysée.
C'est "une démarche de reconnaissance" mais "il n'est pas question de repentance" et "de présenter des excuses", précise-t-on, en s'appuyant sur l'avis de Benjamin Stora qui cite en exemple le précédent des excuses présentées par le Japon à la Corée du Sud et à la Chine sur la 2e guerre mondiale qui n'ont pas permis de "réconcilier" ces pays.
Parmi les actes envisagés, figure l'entrée de l'avocate anticolonialiste Gisèle Halimi, décédée le 28 juillet 2020, au Panthéon qui accueille les héros de l'Histoire de France. Auparavant, un hommage solennel devrait lui être rendu aux Invalides au printemps "quand les circonstances sanitaires le permettront", selon la présidence.
le président algérien Abdelmadjid Tebboune pendant une réunion avec le ministre français des Affaires étrangères, le 21 janvier 2020 à Alger AFP/Archives / RYAD KRAMDI
L'Elysée a par ailleurs souligné qu'Emmanuel Macron ne "regrettait pas" ses propos prononcés à Alger en 2017 dénonçant la colonisation comme "un crime contre l'humanité". "Que pouvait-il dire de plus? Il n'y a rien à dire de plus, en revanche il y a beaucoup à faire".
France-Algérie
Les principales recommandations du rapport
- Emmanuel Macron a reçu ce mercredi 20 janvier, des mains de Benjamin Stora le rapport de l’historien sur la colonisation et la guerre d’Algérie (1954-1962)
Dans son rapport remis ce mercredi 20 janvier, l’historien Benjamin Stora propose à Emmanuel Macron de créer une commission « Mémoire et vérité ». Elle aura à se prononcer, entre autres, sur un certain nombre de recommandations. En voici le détail.
Réconcilier la France et l’Algérie. C’est la tâche à laquelle doit s’atteler la commission Mémoire et vérité que l’historien Benjamin Stora propose à Emmanuel Macron de créer.
Il a remis ce mercredi 20 janvier au chef de l’État son très attendu rapport sur la colonisation et la guerre d’Algérie (1954-1962) pour tenter de « décloisonner » des mémoires divergentes et douloureuses entre les deux pays, aux relations aussi étroites que complexes.
Une commission, plusieurs recommandations
L’historien propose, précise Le Monde, que cette commission soit composée de « différentes personnalités engagées dans le dialogue franco-algérien », comme Fadila Khattabi, présidente du groupe d’amitié France-Algérie de l’Assemblée nationale, Karim Amellal, ambassadeur, délégué interministériel à la Méditerranée, des intellectuels, médecins, chercheurs, chefs d’entreprise, animateurs d’associations…
Elle devrait être amenée à formuler des recommandations sur plusieurs points évoqués dans le rapport Stora.
Commémorations. Poursuivre les commémorations aux différentes dates symboliques du conflit : accord d’Evian le 19 mars 1962, hommage aux harkis, ces supplétifs de l’armée française, et répression des travailleurs algériens en France le 17 octobre 1961… À tous ces moments de commémoration pourraient être invités les représentants des groupes de mémoires concernés par cette histoire.
Émir Abdelkader. Restituer à l’Algérie l’épée de l’émir Abdelkader et construire une stèle à l’effigie de ce héros de la résistance à la colonisation française au XIXe siècle, à Amboise (Indre-et-Loire), où il vécut en exil entre 1848 et 1852. Le monument pourrait être érigé à l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, en 2022.
Ali Boumendjel. Reconnaissance par la France de l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel, dirigeant politique du nationalisme algérien, tué pendant la bataille d’Alger, en 1957. Un assassinat reconnu par l’officier français Paul Aussaresses dans ses mémoires
Disparus. Publier un « guide des disparus » algériens et européens pendant le conflit sur la base des recherches du « groupe de travail » créé en 2012. Ce groupe avait été mis en place pour permettre la localisation des sépultures des disparus algériens et français de la guerre d’indépendance. Il devra poursuivre son travail.
Essais nucléaires et mines. Poursuivre les travaux sur les essais nucléaires français dans le Sahara, réalisés entre 1960 et 1966, et leurs conséquences, ainsi que celles de la pose de mines antipersonnel durant la guerre.
Harkis. Faciliter les déplacements des harkis et de leurs enfants entre la France et l’Algérie.
Oran, juillet 1962. Mettre en place une commission mixte d’historiens français et algériens pour faire la lumière sur les enlèvements et assassinats d’Européens à Oran en juillet 1962 ; entendre la parole des témoins de cette tragédie.
Cimetières européens et juifs. Encourager la préservation des cimetières européens en Algérie, ainsi que des cimetières juifs et des tombes des soldats algériens musulmans morts pour la France pendant la guerre d’Algérie
Archives. Avancer sur la question des archives, avec comme objectifs le transfert de certaines archives de la France vers l’Algérie, et d’autre part permettre l’accès aux chercheurs des deux pays aux archives françaises et algériennes. Accélérer le processus de déclassification des documents secrets.
Programmes scolaires. Accorder une plus grande place à l’histoire de la France en Algérie dans les programmes scolaires et faciliter les travaux universitaires sur les sujets mémoriels entre les deux pays (facilitation de visas, d’accès aux archives, logements, etc.)
Musée. Réactiver le projet de musée de l’histoire de la France et de l’Algérie, prévu à Montpellier et abandonné en 2014.
Gisèle Halimi. Entrée au Panthéon de l’avocate Gisèle Halimi, figure d’opposition à la guerre d’Algérie.
Canon Baba Merzoug. Créer une commission franco-algérienne sur l’avenir du canon Baba Merzoug , également appelé La Consulaire qui était déployé en protection du port d’Alger en 1830, capturé par la France et actuellement installé dans le port de Brest.
Noms de rues. Inscrire des noms de Français d’origine européenne particulièrement méritants, en particulier médecins, artistes, enseignants, issus de territoires antérieurement placés sous la souveraineté de la France.
Mémoire. Ériger des « lieux de mémoire » sur quatre camps d’internement d’Algériens en France. Organiser en 2021, au Musée national de l’histoire de l’immigration, une exposition ou un colloque sur les indépendances africaines et un colloque international dédié au refus de la guerre d’Algérie par certaines grandes personnalités comme François Mauriac, Raymond Aron, Jean-Paul Sartre, André Mandouze et Paul Ricœur.
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